ITW DE TOM, JUGE FÉDÉRAL & INTERNATIONAL
– Peux-tu te présenter ?
• Thomas, ou Tom, Réunionnais, né en 1988 à Saint-Pierre (La Réunion).
• J’ai grandi à L’Étang-Salé.
• Du côté de mes origines, j’ai des racines malouines : mes grands-parents et d’autres membres de la famille sont installés dans le 35 depuis des générations… mais moi, je n’ai jamais vécu en métropole.
• En 2010, alors que je termine mes études, je fais mes premiers pas dans le milieu pro via le World Tour, en devenant représentant IBA pour La Réunion. À cette époque, je bosse notamment avec Terry McKenna, le World Tour Manager.
• En 2011, on accueille le Grand Slam IBA Réunion Pro, grâce à un énorme travail de Robert Boulanger et de la Ligue Réunionnaise de Surf.
• En 2012, je quitte La Réunion pour m’installer à Newcastle, en Australie (NSW), pendant 5 ans. Terry me file un coup de pouce en m’hébergeant au début, le temps de m’organiser.
• C’est là que je me lance sérieusement dans le jugement. Je suis formé par Craig Hadden, un pilier du circuit (ex-directeur technique IBA/APB, responsable BIO, structure qui forme encore aujourd’hui les juges IBC).
Craig a joué un rôle énorme dans ma carrière : loin de chez moi, il m’a accueilli comme un père, m’a formé, et m’a intégré au panel australien aux côtés de pointures du World Tour comme Maurice Wakeling, Josh Tabone, Karl Gol…
• Grâce à lui, j’ai pu juger des compètes de haut niveau comme l’ABA Pro Tour, les championnats d’Australie de surf, ou encore le mythique Shark Island Challenge.
• Je passe aussi mes niveaux ISA avec l’aide de Glen Elliott (chef juge olympique à Tokyo), jusqu’à atteindre le niveau 4 : Juge International ISA.
• En 2017, je quitte l’Australie pour m’installer au Royaume-Uni. Aujourd’hui, je vis à proximité de Londres – j’ai pas mal de famille britannique, donc ça a du sens.
• Depuis 2018, je travaille avec la Fédération anglaise de surf, la Fédération écossaise, et aussi avec la FFS.
• La transition n’a pas été simple. Après des années dans le système anglo-saxon, il a fallu que je m’adapte à la culture fédérale française, à une autre façon de voir le jugement, de nouvelles méthodes, un nouveau cadre, de nouveaux collègues…
Mais j’ai eu la chance de pouvoir compter sur des gars comme Damien Faveaux et Mathieu Carpentier, deux piliers sur qui je me suis appuyé pour trouver ma place.
• À côté du surf, je bosse à Londres en RH, dans le secteur ingénierie gaz/pétrole.
• Et dès que je peux, je voyage. J’adore découvrir de nouveaux coins dès que le temps (et le job) le permettent.
– Quel est ton rôle sur les compétitions ? Tu peux citer aussi quelques juges.
• Ça dépend des compètes et des fédés : parfois je suis juge, parfois chef juge.
• Damien Faveaux est en charge du bodyboard en France côté jugement. C’est clairement grâce à lui qu’on a pu maintenir un tour structuré et exigeant.
• Fait un peu étonnant : en France, je ne juge quasiment que du bodyboard. Pourtant, ailleurs (UK, Écosse, etc.), je suis aussi très actif sur le shortboard, le longboard, et de plus en plus sur le parasurf.
• Je juge de plus en plus à l’international : Afrique du Sud (Tand, Cape Town Pro, championnats nationaux), Amérique du Sud, Canada… Je me déplace beaucoup.
• Être polyvalent me permet d’avoir une lecture plus riche et précise de la performance. Ça affine mon regard.
• Et puis je suis convaincu que même avec de l’expérience, il faut continuer à se former, à se remettre en question, et à faire évoluer sa vision du jugement. Rester ouvert, c’est essentiel si on veut progresser avec son temps.
– Un souvenir en particulier ?
• Allez, je vais rester côté bodyboard.
• Même si on juge des lycras, pas des noms, il y a des souvenirs qui marquent.
• J’ai eu la chance de juger l’ABA Pro Tour en Australie, avec des séries de fous : les frères Player, Stone, Winchester, Clarke, Lewy, Novy, Finlay, Singer…
Le tout sur des spots magnifiques, vierges, aux quatre coins du pays.
• Le Shark Island Challenge reste aussi un moment à part : la vue plongeante depuis la zone de jugement, la vedette dans le channel, les séries avec Lester, Player, Kingy, Rawlins…
• L’édition 2022 du Sintra Pro était aussi intense – une semaine à juger non-stop, j’ai fini au collyre en rentrant à la maison.
• Et évidemment, l’Annaëlle Challenge : j’étais chef juge lors de la dernière édition, dans des conditions bien solides. Gwen m’a dit que c’était l’une des meilleures éditions. Gros souvenir.
– Tu étais dans l’algéco de la Fédé quand 4 jeunes du MSC sont allés en finale des championnats de France, dans 2m parfait à Hossegor. Qu’est-ce que ça t’a fait ?
• Encore une fois, quand on est dans la zone de jugement, on est dans la bulle. On voit des lycras, on balance des scores, et à la fin de la journée, nos yeux sont rouges fraise. On ne pense plus aux clubs ou aux régions.
• Mais je dois dire que quand j’ai vu les résultats à froid, dans le compte rendu, j’ai été vraiment bluffé.
• Cette montée en puissance du Minou, si rapide, je ne l’avais pas vue venir. En 2022-2023, ils n’étaient pas encore là, et là, bam : razzia sur les podiums.
• Les jeunes chargent déjà dans des conditions sérieuses, à leur âge, et ça change un peu la donne par rapport à l’Ocean Roots.
• J’ajoute que d’autres structures bossent bien aussi : Derek à Capbreton, Cédric à Lacanau, ils font un super taf.
• Mais ce que Yann, Julien et les autres construisent au Minou, c’est solide. Et mérité.
• Petit bémol côté Réunion : on a quelques riders qui performent encore à l’international, comme Clément Lodeho ou Robin Legros… mais la relève est mince. On a perdu en densité.
– Des 10/10 qui t’ont marqué ?
• J’ai une vision un peu différente : je retiens plus les prestations complètes que des vagues en particulier.
• Voir un rider dominer de bout en bout, sur plusieurs jours parfois, c’est ça qui me marque.
• Un exemple ? Jake Stone sur l’ABA Pro Tour à Knights Beach (Adélaïde). C’était juste fou : doubles rollos, combos flips/re-entry dans du 2m50, eau glaciale, spot fréquenté par les requins… et la célébration au sabre sur le podium. Inoubliable.
• Et puis y’a tout ce qui va autour : l’humain. L’équipe avec qui tu juges, les débriefs, les repas, les fous rires, les galères techniques, les bières après…
• Une fois, en Australie, je sors de mon bungalow à l’aube pour rejoindre la zone de compète, je tombe nez à nez avec une vingtaine de kangourous. Je venais de La Réunion. C’était surréaliste.
• Plus récemment, j’ai jugé les championnats d’Écosse à Thurso. Conditions parfaites, vagues niveau WSL, ambiance au top, cornemuse pour l’hymne national… Gros kiff aussi.
– Un dernier mot ?
• Aujourd’hui, c’est pas simple. Le contexte géopolitique, l’économie, les financements… on est loin de l’âge d’or du bodyboard.
• Mais ça ne veut pas dire qu’on doit baisser les bras. Au contraire.
• Il faut revenir à l’essentiel : le plaisir. Le Minou en est un bon exemple. Repartir sur des bases saines, solides, dans le partage et la passion.
• Il y a encore trop de blocages dans notre milieu : nombrilisme, méfiance, peur du changement… On est parfois bloqués au Moyen Âge.
• Il faut évoluer. Observer ce qui se fait ailleurs, être curieux, humble, et construire ensemble.
• La Bretagne a tout pour redevenir une terre forte du bodyboard. J’espère vraiment revoir des compétitions nationales ici dans les années à venir.
• Et qui sait, peut-être plus… Gwen est prêt à jouer sa dernière carte avec Annaëlle cette année. On croise les doigts.
• Avec l’arrivée de Gaël Morel à la direction de la Ligue BZH, et Maël dans l’équipe, deux mecs passionnés, je suis convaincu qu’on va aller dans la bonne direction.








